L’ombe qui teurpe de conte moué .
Trop souvent, lorsqu’on écoute du patois, on s’attend à passer un bon moment de « franche rigolade ». Mais il faut se souvenir que le patois est le langage de nos anciens, et que ceux-ci avaient rarement l’occasion de « rigoler ». Leur langage reflétait parfois leur joie, mais le plus souvent leur peine, leurs émotions et leurs soucis de tous les jours. C’est donc un vrai plaisir pour moi de lire et écouter des textes qui reflètent la sensibilité de leur auteur.
Certes, écrire des poèmes en patois saintongeais n’est pas une chose facile, il faut du talent et du travail. Ça se mérite, mais la récompense est au bout.
En voici un exemple, avec un poème écrit par moun émit Célestin ol a bin longtemps, quan-t-il était in jhène biton à peine sorti de l’adolescence. C’est un texte original, écrit peur in drôle amoureux de sa Saintonge, qui se souvient avec nostalgie d’un de ses anciens, dont il était proche, disparu dans des circonstances dramatiques et avec lequel il se confond.
J’aime notre patois quand il est écrit avec une telle tendresse.
Pierre Péronneau - Président de la Société des lettres de Saintonge et d’Aunis
L’ombe qui teurpe de conte moué by Célestin Beurdassou est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France.
Thieu là qui segue emprès mes pas
L’ombe qui teurpe de conte moé,
qui rabouzini les creux dau nâ
peur teurcher la fieuranghe dau boués ,
jhe l’é teurjhau thiytté feire ;
me gardant bin de l’éfouracher.
Tapper ma goule , o peuvi me piaire
dau temps vour qu’y rasti t- à bader .
Que teurchi t’ y en l’dâr les nuaghes ?
dans l’égail , à soulail montant ?
Que z’ y disi l’ousiâ sauvaghe ,
oub’ les biâs parpayons daltants ?
A cause qui m’avi segué peurtout
en quartajhant le pius bon des heures,
Jh’creyi d’eite l’y ! Se peuri tout
que son thieur séyisse mon thieur ?
Quand y rasti badé , aux buffes dau vent
Jhe feurmi les euils , en badant otout
peur les douvri rinque au bon moument
et s’en reveni tous deus cheu nous !
Avant de me thyitter chère à bas
Y s’ é encouère appoué sus moué
S’ri tout sous l’ombe de thieu l’oumiâ
oub’ d’in’ âghé, en thiés les boués ?
Y l’a bireuillé en l’jha des ars
Ces uses étiant t’ a moutié tapés,
et les balots rinque entr’ ouvarts
Bin à la douce , y l’a chantouné
Mé savau ce qui l’avi t- argardé ,
dans thiel âbre ou bin darière?
Et qu’étout asteur que de bûffer
in’ ar qui sembye t’ ine peurière ?
Asteur , jhe m’enneu , à moutié moué .
Dépeu le jhor vour y m’a thiytté là ,
jh’é don grand mau à rabaler
mon charquoué pus fret qu’in yiâ
Jhe créyis que dans les ramijhes
le soulail avit jholiment mirolé
la goule d’ine fade des branchilles.
Mé ol é qu’y veni de bireuillé
le forchat vour y pauri encruché
in grousse longhe , peur s’étranyié.
Le forchat vour qu’y l’a t’ encruché
thielle longhe , qui l’a t’étranyié !